"Romance", de Fauré, et autres pépites

Lauréate du Concours Reine Élisabeth en 2022, elle se produit avec des orchestres de premier plan comme l’Orchestre National de Belgique, le Brussels Philharmonic, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg ou le Munchner Rundfunkorchester et joue avec des personnalités telles que Renaud Capuçon, Augustin Dumay, Gary Hoffman ou Laurent Korcia.
En 2024, sa carrière connaît un nouvel envol : elle devient violoncelle solo de l’Orchestre de Paris et professeure de violoncelle dans la partie flamande du Conservatoire Royal de Bruxelles.
Malgré toutes ses activités, elle n’en oublie pas la musique de chambre et sera vendredi à Crissier, à l’affiche d’un concert produit par Beau Soir Productions – société fondée par Renaud Capuçon – aux côtés du pianiste Arthur Hinnewinkel.
Entretien.
Vous faites partie des quelques artistes dont Beau Soir Productions s’occupe depuis sa création. Quel est l’avantage pour vous d’être intégrée à ce réseau?
Je suis surtout implantée entre la France et la Belgique. Même si nous avons déjà joué à Lausanne et ailleurs, j’ai assez peu d’occasions en Suisse.
Beau Soir Productions me donne cette opportunité dans un format de récital, c’est une chance incroyable.
Beau Soir Productions a pour vocation d’être un tremplin pour de jeunes musiciens en début de carrière. Renaud (Capuçon, n.d.l.r.) nous a beaucoup aidés et nous a ouvert des portes.
Le fait que nous soyons un noyau d’une dizaine d’artistes crée une cohésion de groupe : nous nous connaissons bien et jouons régulièrement ensemble. C’est toujours un plaisir de se retrouver.
Pour ce concert à Crissier, je serai accompagnée d’Arthur Hinnewinkel. Il est relativement nouveau à Beau Soir, ce sera la première fois que je jouerai avec lui dans ce cadre, mais nous avons eu l’occasion de nous produire ensemble auparavant, notamment en quatuor avec piano.
J’ai le poste de professeure invitée, car il n’y a pas encore eu de recrutement. Jeroen Reuling prend sa retraite en juin. Il fut mon professeur lorsque j’étais étudiante dans la même institution, puis je l’ai retrouvé quelques années plus tard à la Chapelle Musicale Reine Élisabeth; nous nous connaissons très bien.
Comme nous avons un peu la même idée de l’enseignement, il m’a fait confiance pour endosser ce rôle. Je donne cours aux étudiants qui seront encore en cursus après son départ, pour créer une transition en douceur.
Le poste à l’Orchestre de Paris n’était pas vraiment prémédité, pour ainsi dire. J’ai passé le concours car ce sont des places rares, et c’était le premier orchestre que j’ai écouté quand je me suis installée en France. Je me suis dit «Pourquoi pas?».
C’était l’occasion de me confronter pour la première fois à un concours d’orchestre. J’y suis allée en me préparant à fond, sans pour autant me mettre trop de pression. Je n’avais pas d’attente, je l’ai pris comme un challenge.
À l’issue du concours en juin, j’ai remporté le poste de violoncelle solo, mais j’avais déjà un certain nombre de concerts prévus entre septembre et juin. À ce moment-là, j’avais demandé à l’Orchestre de débuter ma période d’essai en janvier, requête qu’ils ont acceptée. Ils ont été très conciliants. Tous ces engagements ne sont pas incompatibles : mes concerts sont généralement en weekend, et les semaines de travail avec l’Orchestre s’étendent du lundi au jeudi.
Par ailleurs, nous sommes deux au poste de violoncelle solo. Nous nous alternons sur les programmes, ce qui laisse une certaine flexibilité pour d’autres projets.
Là, je suis dans la multiplication, je travaille dix fois plus qu’avant, mais je pense qu’un jour il faudra que je freine un peu et que j’apprenne à prendre plus de temps. Mon but est de trouver un équilibre quand tout s’apaisera.
La seule requête était de proposer un programme assez diversifié et accessible. Ce programme n’a pas de fil conducteur, mais je voulais pouvoir mettre plusieurs choses différentes, car j’aime la diversité dans mes récitals.
Quand j’ai la liberté de construire un programme accessible, j’aime mettre plusieurs petites pièces, plutôt que des grosses œuvres qui durent longtemps, ce qui explique les nombreuses pièces au programme du 4 avril.
J’ai voulu inclure quelques compositeurs français : les sœurs Nadia et Lili Boulanger, des petites pièces de Fauré qui sont très belles et très connues, la sonate de Debussy, les Fantasiestücke de Schumann, et une sonate de Beethoven pour rester dans quelque chose de plus « classique », dans un sens. C’est un melting pot de pièces que j’aime particulièrement.
J’ai l’impression que le public connait bien Lili Boulanger, sa sœur, mais effectivement, peut-être moins Nadia.
Cela dit, je pense que c’est important d’ajouter des petites pièces peu connues du grand public ; c’est aussi notre but de pouvoir faire connaître des œuvres et permettre au public de se laisser surprendre par des découvertes.
Par exemple, nous jouerons les magnifiques Trois petites pièces de Nadia Boulanger, que j’ai beaucoup jouées. Elles sont en première place dans le programme, car elles permettent d’installer une atmosphère particulière et sereine.
J’aime tout particulièrement la Romance de Fauré – et ce compositeur de manière générale. Le hasard fait bien les choses : j’ai la chance de jouer un violoncelle de Jean-Baptiste Vuillaume sur lequel ont été créées ses deux sonates pour violoncelle en 1917 et 1921.
L’histoire de mon violoncelle est liée à celle de Fauré, en quelque sorte, c’est une sensation très particulière.
L’année dernière, j’ai beaucoup joué la Deuxième Sonate de Fauré et d’autres petites pièces qu’il a composées. C’est un univers, un langage qui me touche. L’Élégie et Après un rêve sont sans doute les plus fréquemment jouées. La Romance, elle, fait peu partie des programmes de concert et je ne comprends pas pourquoi.
Elle fait partie de mon répertoire depuis longtemps, et il n’est pas rare que je la propose en bis. Cette œuvre touche le public, c’est une véritable pépite, une pièce magnifique qui exalte d’amour !
Stéphanie Huang & Arthur Hinnewinkel
Le 4 avril au Millennium, Crissier
Stéphanie Huang, violoncelle - Arthur Hinnewinkel, piano
Programme:
Nadia Boulanger, Trois pièces pour violoncelle et piano
Lili Boulanger, Nocturne pour violon et piano (arr. pour violoncelle et piano)
Debussy, Sonate pour violoncelle et piano CD144
Fauré, Après un rêve / Elégie / Romance
Schumann, Fantasiestücke op. 73 Beethoven, Sonate pour violoncelle et piano n°3 en la M op. 69 person
Informations et réservations: https://www.millennium.ch/fr/evenement-detail/concert-classic-huang-hinnewinkel-4-avril-2025