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Refiguré, L’Oiseau vert en visite à Benno Besson

Publié le 18.11.2022

Pour Vers l’Oiseau vert, à savourer les 24 et 25 novembre au TBB, le collectif BPM a recherché un chevauchement entre surnaturel et drôlerie, distanciée ou non. Soit le même mélange des genres et des registres que l'on retrouve dans le texte de Benno Besson, grand succès créé en 1982 à La Comédie autour d’une famille singulière et ses rocambolesques aventures.

Le pitch? Un énigmatique oiseau vert nourrit Ninetta pour qu’elle survive. Et s’occupe des enfants, Renzo et Barberina, qui alignent les épreuves initiatiques avant de retrouver leurs vrais parents. Forte de 330 représentations en Europe, cette relecture d’un conte signé Carlo Gozzi - alors que le Commedia dell’arte bruissait de ses derniers feux avant de faire l’adieu à ses charmes - a fait date.

Feuilletant un texte bouffon et merveilleux, grotesque et satyrique, le travail fut pour le collectif BPM une histoire d’archives vivantes. Ainsi en rencontrant des membres de l’équipe artistique de la création signée Benno Besson. Puis il y eut le développement d’une forme de décor-personnage et de masques qui dialoguent avec ceux de de l’opus originel. A la manœuvre, le Collectif BPM (formé de Catherine Büchi, Léa Pohlhammer et Pierre Mifsud). Il a déjà refiguré, en plus petit format et avec un succès public XXL, La TV à tube cathodique qui monopolisait l’image en mouvement, mais aussi Le Service à asperges témoin des jubilations et tensions chères aux repas familiaux, dans le cadre de sa série La Collection.

Rencontre avec un trio sachant allier l’humour de guingois à une haute exigence d’écriture et de jeu.


Pourquoi s’être mis en marche en direction de L’Oiseau vert, blockbuster du théâtre romand dans les années 80?

Catherine Büchi, Léa Pohlhammer et Pierre Mifsud (BPM): C’est le désir d’aller vers un champ artistique associé au merveilleux. Il y est possible d’exploiter des outils appartenant à un savoir-faire et des compétences qui ont tendance à disparaître. A l’origine, notre travail s’est traduit par la revisitation d'objets du quotidien devenus obsolètes - la K7 audio, le téléphone à cadran rotatif, le vélomoteur, la machine à écrire… - au sein de notre série théâtrale, La Collection.

Dès les débuts, nous nous sommes dits qu’il serait chouette de faire un spectacle autour d’un objet théâtral… obsolète. Il ne fallait toutefois pas se monter moqueur envers un répertoire théâtral supposé poussiéreux. Mais plutôt de revisiter une grande scénographie dans un genre merveilleux.

Ce type de décor nous semble se réaliser de moins en moins. Cette scénographie est envisagée comme une production touchant à un savoir-faire artisanal. On est alors dans l’ordre du manuel. Avec par exemple des poulies bien davantage que du high tech.



Assiste-t-on à la mise en abyme joyeuse et ludique d’une scénographie comme l’a pratiquée la Compagnie Les Fondateurs avec Les Bovary au printemps dernier à La Comédie de Genève?

Non. S’il s’agit bien d’une écriture de plateau. Et l’on n’y retrouve pas un exposé sur les possibles d’un décor. Nous traversons bien la pièce et incarnons les personnages. Quant à la scénographie changeante réalisée par Fredy Porras, elle peut rappeler de loin en loin la scénographie originelle de 1982 due à Jean-Marc Stehlé*.

Grâce à un jeu nommé plateau zéro ou tiré du quotidien, nous menons une enquête autant qu’une quête autour d’éléments manquants. Nous essayons de reconstituer aussi L’Oiseau vert à travers nos souvenirs. Il nous importait de rester fidèle à la fable tout en prenant toutefois beaucoup de liberté.

Ceci avec le concours des comédiens Mathias Brossard et Julien Jaillot également présents au plateau. Nous devons camper à cinq une ribambelle de personnages**

Vous avez choisi Fredy Porras comme scénographe et créateur des masques.

Cet artiste a été, jeune, admiratif du travail de Werner Strub (auteur des masques dans la création de Benno Besson, ndr) et de Jean-Marc Stehlé qu’il considère comme ses maîtres. Il adore aussi les technologies scéniques nouvelles.

Si le masque transforme le visage, il devient littéralement visage, personne ou autre avec Werner Strub. Allant plus loin que la masque, il œuvre sur l’outremasque. A l’instar du peintre français Pierre Soulages travaillant sur le noir ou ce qu’il dénommait l’outrenoir - «Un autre pays que celui émotionnel, du noir simple», selon l’artiste, (France Info, 26.10.2022), ndr.

Pour ce théâtre de masques, l’important était d’éviter tout figement du visage des interprètes. Ces masques sont à l’image de prothèses que nous revêtons.

Leur qualité? Donner un caractère sans nous effacer. Ceci dans un registre de jeu quasi-quotidien jusqu’à une interprétation très incarnée, expressive. Comme dans la commedia dell’arte où l’on pousse au drame et au tragique les figures.





Assiste-t-on à la mise en abyme joyeuse et ludique d’une scénographie comme l’a pratiquée la Compagnie Les Fondateurs avec Les Bovary au printemps dernier à La Comédie?

Non. S’il s’agit bien d’une écriture de plateau. Et l’on n’y retrouve pas un exposé sur les possibles d’un décor. Nous traversons bien la pièce et incarnons les personnages. Quant à la scénographie changeante réalisée par Fredy Porras, elle peut rappeler de loin en loin la scénographie originelle de 1982 due à Jean-Marc Stehlé*.

Grâce à un jeu nommé plateau zéro ou tiré du quotidien, nous menons une enquête autant qu’une quête autour d’éléments manquants. Nous essayons de reconstituer aussi L’Oiseau vert à travers nos souvenirs. Il nous importait de rester fidèle à la fable tout en prenant toutefois beaucoup de liberté.

Ceci avec le concours des comédiens Mathias Brossard et Julien Jaillot également présents au plateau. Nous devons camper à cinq une ribambelle de personnages**

Vous avez choisi Fredy Porras comme scénographe et créateur des masques.

Cet artiste a été, jeune, admiratif du travail de Werner Strub (auteur des masques dans la création de Benno Besson, ndr) et de Jean-Marc Stehlé qu’il considère comme ses maîtres. Il adore aussi les technologies scéniques nouvelles.

Si le masque transforme le visage, il devient littéralement visage, personne ou autre avec Werner Strub. Allant plus loin que la masque, il œuvre sur l’outremasque. A l’instar du peintre français Pierre Soulages travaillant sur le noir ou ce qu’il dénommait l’outrenoir - «Un autre pays que celui émotionnel, du noir simple», selon l’artiste, (France Info, 26.10.2022), ndr.

Pour ce théâtre de masques, l’important était d’éviter tout figement du visage des interprètes. Ces masques sont à l’image de prothèses que nous revêtons.

Leur qualité? Donner un caractère sans nous effacer. Ceci dans un registre de jeu quasi-quotidien jusqu’à une interprétation très incarnée, expressive. Comme dans la commedia dell’arte où l’on pousse au drame et au tragique les figures.





Vous revendiquez l’essai et la tentative…

Plutôt toute liberté possible face à l’imprévu - l’inattendu notamment.

On se rend compte face à de grands classiques ou le répertoire de la commedia dell’arte que les textes sont d’une grande beauté. A certains moments, nous nous emparons donc du matériau initial sans le modifier. Mais à d’autres instants, l’on ressent des limites. Les nôtres d’abord. Ensuite, celles de la fable et de l’époque qu’il faut savoir dépasser.

En témoignent les accidents et les erreurs de jeu en répétitions dont nous aimons faire un matériau pour la création.

Un exemple?

Oui. Prenez le fait d’oublier son masque. Et partant, cette sensation de pédaler à côté de son personnage. Ce sont précisément dans ces moments, où tout n’est pas parfait, que l’on ressent à quel point le théâtre est une alchimie de tant d’éléments. Ce genre d’accident favorise une poésie et tout un éventail de jeu. Or, c’est précisément cette imperfection, cette profonde humanité que le Collectif BPM revendique.

Cela rejoint notre besoin d’improvisations de plateau lors du processus de création. N’étant pas de puissants intellectuels (rires), on a besoin d’éprouver au plateau si une proposition fonctionne. En résumé, en lien avec la dramaturgie, ce qui nous donne du jeu et du plaisir est ce que nous allons in fine valider.

Propos recueillis par Bertrand Tappolet
Entretien réalisé à l'occasion de la création du spectacle, début novembre, à la Comédie de Genève


Vers l'Oiseau Vert
Les 24 et 25 novembre au Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains

Création du Collectif BPM, librement adaptée de L'Oiseau Vert de Benno Besson d'après Carlo Gozzi
Avec Mathias Brossard, Catherine Büchi, Julien Jaillot, Léa Pohlhammer, Pierre Mifsud

Informations, réservations:
https://www.theatrebennobesson.ch/programme-22-23/vers-l-oiseau-vert

*Jean-Marc Stehlé, scénographe et comédien décédé en 2013 ayant aussi travaillé aux décors pour des mises en scène de François Simon, Matthias Langhoff, Philippe Mentha, Roger Blin, Armen Godel et Charles Apothéloz, ndr.

**La distribution de 1985 en tournée: Hélène Firla (Barbarina), Françoise Giret (Smeraldina), Jean-Pierre Gos (Renzo), Michel Kullman (Pantalon), Véronique Mermoud (Tartagliona), Emmanuelle Ramu (Pompea), Laurence Rochaix (Ninette), Gisèle Sallin (le valet des jumeaux), Laurent Sandoz (Brighella), Nicolas Serreau (Truffaldino), Jean-Marc Stehlé (Tartaglia), Alain Trétout (l'Oiseau vert) et Claude Vuillemin (Calmon), ndr.