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"J’ai perdu mon Eurydice"

Publié le 20.01.2025

A découvrir en famille du 24 au 29 janvier à l'Opéra de Lausanne, l’histoire d’Orphée qui brave les Enfers pour ramener sa défunte épouse Eurydice suscite un tourbillon d’émotions.

Une création de la plasticienne Valérie Lefort qui revient à Lausanne après l'acclamé Domino Noir.

A la base de cette production, l’opéra Orphée et Eurydice de Gluck fait partie du répertoire opératique incontournable. L’Opéra de Lausanne en propose une version "jeune public", Petite Balade aux Enfers, créée à l’Opéra-Comique de Paris en 2019 et adaptée par la pianiste Marine Thoreau La Salle et la plasticienne Valérie Lesort.

Formée au CNSMP de Paris, Marine Thoreau La Salle est une habituée de l’opéra. Elle travaille notamment au Théâtre du Châtelet, à l’Opéra-Comique, au Festival international d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, à l’Irish National Festival ou au Grand Théâtre de Genève.

Quelques jours avant la première à Lausanne, Marine Thoreau La Salle nous en dit plus sur les coulisses de cette adaptation.



Comment a germé l’idée d’une adaptation pour jeune public de l’œuvre de Gluck?

Marine Thoreau La Salle: La Petite Balade aux Enfers est le fruit d’un travail main dans la main avec Valérie Lesort.

L’Opéra-Comique, à Paris, présentait l’opéra Orphée et Eurydice de Glück dans sa version intégrale lors de la saison 2018-2019. Ils ont eu l’idée d’en proposer une version pour jeune public au cours de la même saison.

Ils ont confié cette commande à Valérie Lesort et, comme je travaillais régulièrement là-bas, les équipes lui ont proposé de collaborer avec moi.



Une première collaboration fructueuse qui a donc donné naissance à d’autres projets conjoints par la suite.


C’est un feu d’artifice auquel nous ne nous attendions pas.

C’est toujours un pari, ces petites formules proposées par les opéras pour faire se rencontrer un metteur en scène et une personne qui s’occupe de la partie musicale. Ce qu’il s’est passé arrive rarement à ce point.

Tout le monde s’est pris au jeu, a participé à faire de ce spectacle un pari vraiment réussi. Nous avons gardé des souvenirs vraiment heureux de cette semaine de création de la Petite Balade aux Enfers à Paris. Notre alchimie de groupe a permis au projet de rencontrer ce succès.

Par la suite, nous avons créé un autre spectacle autour de La Flûte Enchantée de Mozart : la Petite Balade enchantée. J’ai aussi participé à une des reprises du Cabaret Horrifique, un spectacle filmé pendant le confinement, mis en scène et interprété par Valérie, ou le Domino Noir, qui a été sa première mise en scène d’opéra.

Nous avons une certaine ancienneté dans notre collaboration. 





Quels sont les enjeux d’une telle adaptation ?

Pour l’adaptation, nous avions une contrainte horaire : le spectacle devait durer maximum une heure.

Il a fallu condenser l’œuvre, se demander ce qui était indispensable pour comprendre l’histoire que nous voulions raconter.

L’idée de Valérie était de transformer cet opéra complètement chanté en une version « opéra-comique » en alternant les airs avec des dialogues parlés. Elle m’a alors fait une proposition de narration avec des dialogues qu’elle avait écrits, qui permettaient de donner une indication du ton léger qu’elle voulait employer, et le caractère des personnages qu’elle imaginait.

À partir de ce canevas narratif, nous avons discuté des passages musicaux incontournables afin de trouver un équilibre avec le tout.

Mon rôle a été de défendre la musique. Nous avons gardé l’ouverture entière au piano, et l’air d’Orphée J’ai perdu mon Eurydice, qui est le gros tube.

Nous étions motivées par une envie pédagogique en donnant l’occasion aux enfants d’écouter au moins un air d’opéra en entier. Il y a aussi une part de réinterprétation.

Par exemple, nous avions choisi de couper l’air de furie d’Orphée Amour, viens rendre à mon âme, qui est très vocalisant, et nous avons finalement gardé le thème, sous forme de citation dans une danse où les marionnettes se dandinent sur scène.

Ce genre de procédé nous permet de donner un aperçu assez exhaustif de l’œuvre de Gluck.





Le spectacle a-t-il évolué depuis sa création ?

C’est drôle que vous posiez la question, car le spectacle a effectivement connu des changements au fil des reprises.

Il a déjà par mal tourné depuis sa création, notamment en 2020 – sans modifications – mais ensuite, il a été repris par le Studio de l’Opéra du Rhin lors d’une grande tournée de 40 dates.

N’étant pas sur cette reprise, j’ai simplement écouté la captation et découvert certaines audaces musicales – que je trouve géniales – de cette reprise.

Les chanteurs avaient fait des propositions, et j’apprécie fortement ces initiatives, car cela veut dire que les chanteurs s’approprient leurs personnages.

Ils avaient notamment ajouté des ornementations ou des petites improvisations au piano... En ce qui concerne la reprise à Lausanne, nous avons commencé un travail préparatoire avant les vacances de Noël, avec les trois solistes.

- c’était l’occasion de nous questionner sur l’intérêt de rajouter des passages qui avaient été coupés à la création.

Certaines coupures de l’époque étaient liées au contexte de création, car nous avions créé ce spectacle en cinq jours. Aujourd’hui nous avons plus de temps pour le travailler, et nous avons décidé de rajouter certains passages.

C’est un spectacle qui se renouvelle et que les artistes peuvent s’approprier. Même d’un point de vue scénique, le spectacle évolue grâce aux manipulateurs, qui sont aussi des créateurs, des artisans de marionnettes.

Sami Adjali, qui a fabriqué plusieurs des marionnettes en collaboration avec Carole Allemand, m’a récemment fait part de nouvelles idées, de nouvelles marionnettes qu’il voulait intégrer.

Actualiser régulièrement le spectacle implique une excitation presque enfantine que nous partageons et qui nous unit.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le travail à destination du jeune public ?

C’est une mission de la plus haute importance, d’essayer de faire venir du jeune public à la musique en général, mais à l’opéra en particulier, car l’opéra souffre d’une réputation d’un art réservé aux adultes, aux riches, aux élites...

La mission de démocratisation est très importante. Réfléchir aux moyens et donner de la liberté à l’imagination me plaît beaucoup ! Ce qui m’intéresse aussi, c’est l’exigence de ce public.

Ces enfants n’étant pas forcément lecteurs, le spectacle n’est pas surtitré. Les chanteurs se doivent d’être aussi intelligibles que possible.

Ils sont, par ailleurs, dans une position physique extrêmement inconfortable pour chanter. Chanter et manier les marionnettes est un challenge : ils ont la tête en avant, le corps en arrière...

... tout ce qui est contre-indiqué pour le chant habituellement, donc c’est passionnant d’essayer de les aider à trouver des solutions tout en gardant un beau chant.

Mon travail de cheffe de chant prend tout son sens.

Propos recueillis par Sébastien Cayet


Petite Balade aux Enfers
Spectacle lyrique avec marionnettes - dès 6 ans

Du 24 au 29 janvier à l'Opéra de Lausanne

Valérie Lesort, mise en scène, texte, scénographie et création des marionnettes
Florimond Plantier, reprise de la mise en scène et manipulateur
Marine Thoreau La Salle, adaptation musicale et pianiste

Avec Herlinde Van de Straete, Caroline Guentensperger et Sophia Ianni

Informations, réservations:
https://www.opera-lausanne.ch/show/petite-balade-aux-enfers/

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