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Aux sources du théâtre populaire

Publié le 21.10.2020

Avec Le Conte des contes, le Teatro Malandro d’Omar Porras offre un beau geste de théâtralité populaire. A découvrir jusqu'au 10 avril au Théâtre de Carouge. Mariant atmosphère baroque, émotions contrastées et tableaux fantasmagoriques, les contes de Giambattista Basile sont issus du 17e siècle napolitain. Confrontée à un fils adolescent mélancolique et indifférent, une famille recourt à un sidérant traitement à base de contes. Les histoires sont inventivement jouées par le casting de leur château. Un zeste de cruauté accompagne ces récits initiatiques oscillant entre burlesque et fantastique.

Cette matrice des contes est baignée d’un langage corporel inventif, d’une colonne sonore avec chants inspirés. S’y ajoute une pertinente modernisation du propos universel des contes. Il n’en faut pas davantage pour glisser cette création sur les terres d’une enfance enfin retrouvées. L’enfance vécue comme une énigme et une initiation. Dans le sillage de spectacles à succès de Malandro tels Les Fourberies de Scapin ou El Don Juan. Omar Porras, le maître d’œuvre de ce festin avec savoureux contes, livre ses convictions.

 
Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce fond immémorial des contes?

Omar Porras: Si l’on regarde les personnages, sujets, thèmes ou mythes m’ayant inspiré pour les créations du Teatro Malandro, on retrouve à l’intérieur de chaque histoire, une volonté de relever la légende, la tradition orale. Donc le mythe en quelque sorte.

A mes yeux, parvenir aujourd’hui à définir un spectacle comme une forme de conte, c’est faire une forme de synthèse. Ou retrouver un maillon afin d’achever un cycle. Car chaque spectacle est en soi un conte. Il l’est tant nous sommes, les gens du théâtre, de la scène, des bardes et conteurs. Nous cherchons ces mythes, légendes et histoires, pour entrer en contact avec un public, un spectateur, qui se reconnaissent à l’intérieur de ces aventures. Ne se laisse-t-il pas bouleverser pour être révélé?



Comment s’est déroulé le travail?


Pour arriver au Conte des contes, nous avons réalisé un parcours initiatique. Nous souhaitions aborder le théâtre du Grand Guignol. Un théâtre fait notamment de cruauté et de douleurs sous forme d’effets visuels. Ne l’ayant pas découvert dans les pièces expérimentées, c’est dans les contes que j’ai retrouvé une fascination. Elle a permis de renouer avec la légende et le théâtre du Grand Guignol.

En abordant l’univers des contes, on ne peut passer à côté de l’écrivain italien Giambattista Basile (1566-1632) qui est un inspirateur pour nombre d’autres auteurs. Dans son langage napolitain du 17e siècle, il est fidèle à une certaine cruauté, épaisseur dont le conte a besoin pour être efficace. A la fois bouleversant et révélateur.

L’enfance ou l’enfantin redécouvert aussi dans son coté cruel est l’un des sujets de cet ensemble de contes.

Nous restons toujours des enfants, à l’âge adulte, de la maturité. Ainsi nous sommes encore éveillés par une curiosité de l’apprentissage, des connaissances et révélations. Qu’on le veuille ou pas, nous sommes perpétuellement attirés par l’histoire qui nous est racontée. On peut rester coller à la tv ou aux journaux, c’est une histoire qui se raconte à travers un événement.

Il y a une dimension thérapeutique.

Ce qui est aussi fascinant dans ces contes traditionnels, c’est qu’ils ont été écrits par un désir de guérison, d’ouverture vers une vision nouvelle. Soit un chemin pour découvrir d’autres orientions possibles de la vie. Dans son ouvrage, Psychanalyse des contes de fées, le pédagogue et psychologue Bruno Bettelheim montre à quel point le conte fait partie d’une manière d’aider, de guérir. Mais aussi d’incorporer et prendre compte des éléments que dans la pratique de la vie, nous ne parvenons pas à intégrer, à comprendre. 





Comment s’est déroulé le travail?

Pour arriver au Conte des contes, nous avons réalisé un parcours initiatique. Nous souhaitions aborder le théâtre du Grand Guignol. Un théâtre fait notamment de cruauté et de douleurs sous forme d’effets visuels. Ne l’ayant pas découvert dans les pièces expérimentées, c’est dans les contes que j’ai retrouvé une fascination. Elle a permis de renouer avec la légende et le théâtre du Grand Guignol.

En abordant l’univers des contes, on ne peut passer à côté de l’écrivain italien Giambattista Basile (1566-1632) qui est un inspirateur pour nombre d’autres auteurs. Dans son langage napolitain du 17e siècle, il est fidèle à une certaine cruauté, épaisseur dont le conte a besoin pour être efficace. A la fois bouleversant et révélateur.

L’enfance ou l’enfantin redécouvert aussi dans son coté cruel est l’un des sujets de cet ensemble de contes.

Nous restons toujours des enfants, à l’âge adulte, de la maturité. Ainsi nous sommes encore éveillés par une curiosité de l’apprentissage, des connaissances et révélations. Qu’on le veuille ou pas, nous sommes perpétuellement attirés par l’histoire qui nous est racontée. On peut rester coller à la tv ou aux journaux, c’est une histoire qui se raconte à travers un événement.

Il y a une dimension thérapeutique.

Ce qui est aussi fascinant dans ces contes traditionnels, c’est qu’ils ont été écrits par un désir de guérison, d’ouverture vers une vision nouvelle. Soit un chemin pour découvrir d’autres orientions possibles de la vie.

Dans son ouvrage, Psychanalyse des contes de fées, le pédagogue et psychologue Bruno Bettelheim montre à quel point le conte fait partie d’une manière d’aider, de guérir. Mais aussi d’incorporer et prendre compte des éléments que dans la pratique de la vie, nous ne parvenons pas à intégrer, à comprendre.





Mais encore.

Nous donnant ces éléments, le conte nous prend par la main, révélant ainsi des choses inédites. Nous l’avons expérimenté pendant le processus de création. Au plateau, plus l’on poursuit l’exploration et le travail sur le conte en ses portes d’entrée et labyrinthes, plus l’on retrouve des symboles inattendus, d’autres sentiers à prendre. Pour peut-être mieux avancer dans la vie.

Attiré par les contes de fées, la vie des Napolitains, les croyances et folklores, Basile convoque une approche burlesque. En quoi ce burlesque rejoint l’histoire même de Malandro?

Je pense que le rire, la dérision sont essentiels dans l’art. Quand nous avons travaillé Les Bakkantes d’Euripide (2000), La Tragédie du Docteur Faustus (1993) ou même La Dame de la mer d’Ibsen (2013), les spectacles tournaient autour des problématiques et difficultés de l’être humain. Pour moi, il ne peut évidemment y avoir du plaisir à faire du théâtre sans deux éléments vitaux, la musique et la dérision.

Sur le rire.

La dérision ne s’impose pas par la volonté de faire rire. C’est par le fait que dans la plus grave cruauté se trouve le Grand Guignol. Ce dernier n’étant que la réalité présentée de manière crue et cruelle. Qui nous fait sourire. C’est avec ce sourire que l’on se rend compte que ce malheur, cette douleur font partie de la vie. Et nous devons apprendre à les accueillir.

Je ne cherche pas le rire pour le provoquer par banalité. Le rire permet de faire entrer le spectateur avec plus de souplesse, de liberté dans des sujets cruels, douloureux et importants à reconnaitre. Comment cette pièce s’inscrit-elle dans d’autres spectacles de Malandro, tels Les Fourberies de Scapin ou El Don Juan. Ainsi dans la langue corporelle, la musique le rythme, les chants.

Dans le corps humain, les muscles, le système nerveux, le cerveau, les organes semblent habillés par cette toile d’araignée, qui s’appellent les fascias. A mon sens, le théâtre est enveloppé de même par la musique. Cette membrane fibro-élastique ou fascia qu’est la musique permet qu’il n’y ait pas de dispersion et plus de spiritualité. Elle est créatrice de lignes invisibles rendant plus mélodieuse cette profusion de sentiments, sensations et émotions.

Vous cherchez partout la musique.


Je ne peux concevoir le théâtre sans musique. C’est ainsi que pour chaque spectacle, je suis accompagné d’un compositeur ou d’un groupe de musiciens. En l’occurrence, j’ai la chance de travailler avec le compositeur Christophe Fossemalle et une équipe de comédien-nes chanteurs-euses, dont certains jouent d’instruments. Il est essentiel qu’un acteur soit aussi musicien comme un chanteur, acrobate ou poète. Créer au temps de la pandémie n’a rien d’évident.

Quels en sont pour vous les principaux défis et en quoi votre aventure artistique depuis le Théâtre du Garage vous a-t-elle aidée?

Si je pense au Teatro Malandro et à ses débuts au Théâtre du Garage à Genève, l’élément de la difficulté a été tôt présent. Et je remercie la difficulté, l’adversité. Ils sont des moteurs qui nous font continuer d’y croire. À s’exercer, préserver, s’améliorer. Lorsque nous avons vécu l’annulation de ce spectacle le 13 mars, nous avons souffert, la société, l’humanité. Mais ce temps de silence, de confinement a été bénéfique. Ceci dans le sens que cela été une chance inouïe de prise de conscience de la chance que nous avons de faire ce métier, de pouvoir continuer à avoir des aides, des moyens.

Pour se développer vers un théâtre que je souhaite encore davantage de création, il s’agit de toute une remise en question qui va certainement amener à quelque chose de très positif. Le feu, la lumière du théâtre ne va pas s’éteindre. Car cette flamme est en nous. Il s’agit de la cultiver. Persister à veiller pour et avec elle. Suivre notre chemin de création qui est d’ailleurs la destinée de l’être humain.

Propos transcrits par Bertrand Tappolet
Interview mis en ligne une première fois lors de la création du spectacle au TKM de Lausanne

Le Conte des contes
Du 22 mars au 10 avril 2022 au Théâtre de Carouge.
Par le Teatro Malandro et Omar Porras, d’après Giambattista Basile

Informations, réservations:
https://theatredecarouge.ch/spectacle/le-conte-des-contes/