Des étoiles et de superbes promesses

Publié le 15.05.2025

2025 à Tannay promet de belles découvertes. Pour sa première année à la direction artistique des Variations Musicales de Tannay, le violoniste Tedi Papavrami a conçu un programme haut en couleurs, savant équilibre entre artistes bien établis sur la scène musicale et jeunes musiciens en début de carrière.

La facilité voudrait qu’il invite ses amis, solistes internationaux et partenaires réguliers, mais Tedi Papavrami met l’accent sur les découvertes.

Ami de longue date de Martha Argerich, il ouvre le festival avec la célèbre pianiste, avant de laisser souffler un vent de fraîcheur et d’originalité sur les Variations Musicales.



L’édition 2025 s’ouvre sur votre concert avec Martha Argerich, avec qui vous jouez régulièrement. Comment vous êtes-vous rencontrés?

Je l’ai rencontrée en 2012, au Festival de musique de Menton. Martha jouait en quatre mains avec Maria João Pires et en sonate avec moi.

Depuis, nous jouons régulièrement ensemble, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup et avec qui j’adore faire de la musique, que ce soit en concert ou en privé. C’est à chaque fois un moment incroyable. Elle est tellement occupée que j’ai un peu mauvaise conscience de lui ajouter un concert, alors nous avons trouvé ce programme qui était relativement confortable mais néanmoins intéressant.

J’avais très envie de jouer Schumann avec elle, car c’est une schumanienne extraordinaire. Elle connait bien Debussy également et l’a notamment joué avec Ivry Gitlis qui le jouait très différemment, avec la fantaisie qui le caractérisait, mais Martha est une artiste qui s’adapte très vite.

Pour peu qu’une idée l’attire ou la convainque, elle peut changer, à la seconde, sa manière de jouer.

Le lendemain (samedi 23 août), la jeune pianiste Arielle Beck jouera en récital. Elle a remporté le premier prix au Concours International Jeune Chopin présidé par Martha Argerich en 2018. Vous l’a-t-elle recommandée?


Martha m’avait effectivement parlé de cette pianiste il y a quelques années, suite à ce concours, comme nous pouvons parfois parler de personnes qui nous marquent.

Avec le temps, j’ai commencé à la suivre au fil des vidéos que je voyais passer. Puis je l’ai entendue aux Coups de Cœur de Chantilly. Elle avait 12-13 ans et jouait en récital. Malgré sa jeunesse, elle arrive à garder un discours cohérent et à captiver le public pendant toute la durée d’un récital.

Elle a quelque chose qui n’est pas de son âge, dans sa manière de comprendre l’œuvre en profondeur, en structure, d’animer le discours ; c’est très étonnant ! J’avais simplement très envie de la programmer. C’est aussi mon objectif, de faire découvrir de jeunes artistes au public.

La transmission a d’ailleurs une place importante dans la programmation, avec notamment les HEM (samedi 30) et la Chapelle Musicale Reine Élisabeth (vendredi 27).

La transmission est essentielle. Aider les jeunes musiciens est au cœur de la mission d’enseignement.

Pour le concert avec les Hautes écoles de musiques de Genève et de Lausanne, le programme n’est pas encore défini. D’ici la fin de l’année scolaire, je vais écouter plusieurs propositions des deux établissements et quelques examens.

Les institutions ont tendance à mettre en avant les diplômes de soliste, mais honnêtement, si quelqu’un est déjà très accompli en première année de Bachelor, il va m’intéresser tout autant.

L’intérêt serait également d’entendre des instruments que l’on a moins l’habitude d’entendre dans des festivals. Si on me dit qu’un super percussionniste très doué propose un programme qui peut bien s’intégrer, je prends la proposition avec plaisir.

J’espère vraiment pouvoir pérenniser cette formule, c’est très important pour la nouvelle génération.

Le concert de la Chapelle Musicale, lui, mélange un quatuor en résidence et trois solistes.

Une fois par an, en moyenne, je me rends à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth; j’ai pu voir et apprécier ce qu’ils font, aussi bien en soliste qu’en musique de chambre. La Chapelle regorge de très bons musiciens avec des personnalités artistiques qui méritent d’être mises en lumière.

Ils sont à un autre point de leur carrière et de leur formation que les étudiants de la HEM, mais je tenais à offrir cette opportunité.

Avoir un chambriste chevronné comme Miguel da Silva pour servir de relai sur ce projet, et préparer au mieux le programme avec eux est une chance ! Cela permet d’entendre, dans un même concert, un quatuor, un quintette et un octuor. D’autant plus que l’octuor de Mendelssohn est une œuvre magnifique qui n’a jamais été donnée à Tannay.

Vous allez même encore plus loin en invitant des élèves de la filière Musimax du Conservatoire de Musique de Genève (dimanche 24).

En assistant à la remise de diplômes du CMG, j’ai entendu des musiciens de la filière Musimax, et notamment un quatuor avec des jeunes de 10-11 ans. Ils avaient de l’expression et l’ensemble tenait la route.

Comme les Variations Musicales de Tannay proposent chaque année un concert jeune public, j’ai alors eu l’idée de ce concert par des enfants, pour des enfants. L’approche est différente et je me dis que le jeune public peut s’identifier plus facilement en voyant, sur scène, de très jeunes musiciens.

C’est une autre manière de les attirer dans le monde de la musique, qui, je l’espère, fonctionnera.

Vous vous intéressez notamment à l’impact de l’éducation musicale chez l’enfant.

Et c’est là tout l’enjeu du Cabaret scientifique du 23 août.

Pour recontextualiser, j’ai été invité à un colloque au Collège de France par une fondation qui effectue un travail remarquable sur l’impact de l’éducation musicale dans les milieux défavorisés. Ils s’appuient sur des recherches scientifiques qui montrent qu’en pratiquant même de manière amateure, cela donne des résultats extraordinaires dans les études et dans les échanges sociaux.

Emmanuel Bigand intervenait dans ce colloque ; c’était passionnant. Il est professeur en neurosciences, mais aussi violoncelliste et un communicateur né ! Il a conçu cette Odyssée musicale du cerveau : un spectacle qui sort vraiment de l’ordinaire et dont l’objectif est d’expliquer de manière ludique des choses très subtiles.

Chaque musicien joue des rôles pour décrire une fonction du cerveau, ou un phénomène qui se passe. Le spectacle nous donne des clés pour mieux écouter. Comprendre le processus le rend encore plus fascinant.

Le reste du programme, outre les nouvelles générations, présente d’autres originalités, notamment un programme « à la carte » et des arrangements vocaux.

Le duo formé par le violoniste Svetlin Roussev et la pianiste Yeol Eum Son (le jeudi 28) est fantastique. C’est rare d’avoir un couple, à ce niveau-là, qui joue en duo et qui partage tant de qualités musicales. Bien que d’origines différentes, ils se ressemblent.

En deuxième partie de programme, ils jouent « à la carte ». Le public choisira dans une liste d’une cinquantaine d’œuvres, et ils joueront la dizaine qui sera arrivée en tête. Peu de musiciens peuvent se permettre d’avoir un aussi large répertoire à la demande. Impliquer le public dans la soirée donne un côté très festif.

Quant au concert de musique vocale (Figure Humaine Kammerchor, vendredi 29), ce qui m’a enthousiasmé, c’est que le directeur artistique transcrit lui-même les Lieder ou les mélodies françaises pour l’ensemble vocal. Le piano est là, mais l’harmonie est partagée dans les voix.

La pureté du rendu est extraordinaire. Il y a une magie harmonique plus forte encore que dans leur version originale, c’est très étonnant. C’est le premier concert de musique vocale à Tannay - en tout cas depuis longtemps - et je me réjouis !

Propos recueillis par Sébastien Cayet


Variations Musicales de Tannay
Du 22 au 31 août 2025 dans le parc du Château de Tannay

Avec Martha Argerich et Tedi Papavrami, Nicolas Altstaed, Yulianna Avdeeva, Svetlin Roussev & Yeol Eum Son...

Voir programme complet:
https://musicales-tannay.ch/programme

Informations et réservations:
https://musicales-tannay.ch

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